A l’origine, la Directive européenne inondation
La Directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation (JOUE L 288, 06-11-2007, p.27) influence la stratégie de prévention des inondations en Europe. En effet, elle impose la mise en place d’un plan de gestion des risques d’inondations sur des bassins versants, qui sont sélectionnés au regard de l’importance des enjeux exposés.
Pour aller plus loin sur la Directive inondation :
- Commentaire du Cepri sur le contexte de la transposition de la directive
- Présentation directive inondation par le MEEDDAT
- Note à l’attention des Maires et des Présidents d’EPCI
Le contexte de la Directive
De 1998 à 2002, l’Europe a subi plus de 100 inondations graves, dont celles le long du Danube et de l’Elbe en 2002, qui se sont partiellement renouvelées en 2006, et qui ont causé des pertes humaines et économiques lourdes. Face à cette situation, la Commission s’est donc mobilisée et a proposé un plan d’action comprenant :
- Une directive qui demande la réalisation de plans de gestion des risques d’inondation dans les bassins fluviaux et sur les zones côtières, à partir d’une cartographie indiquant les zones à risque, grâce à la coordination et l’échange d’informations entre pays transfrontaliers.
- La contribution de toutes les politiques communautaires concernées par la réduction du risque : crédits Programme Cadre de Recherche et Développement (PCRD), projets FEDER (Interreg), adaptation au changement climatique.
- La création de réseaux d’échanges techniques entre les pays, sur des points nécessitant une coopération et un échange d’expériences, pour assurer un progrès rapide des savoir-faire : EXCIFF sur l’annonce de crue en 2005, EXCIMAP pour la cartographie des inondations en 2006-2007, Groupe F (Flood) depuis 2007.
Au moment de lancer ce plan d’action, la Commission a publié, à la demande des directeurs de l’eau des pays membres, un document qui présente une approche renouvelée de la réduction des risques d’inondation. Il dresse aussi une liste des bonnes pratiques à promouvoir dans les pays membres. Ce document a été écrit par un groupe de travail piloté par la France et les Pays-Bas. Il s’inspire d’un rapport publié en 2000 par les Nations-Unies dans le cadre de la prévention des inondations sur les bassins versants transfrontaliers de l’Europe de l’Ouest. Ces deux documents ne sont pas assez connus des partenaires français, alors qu’ils représentent des avancées tout à fait novatrices et significatives en matière de prévention des inondations, équilibrant très fortement les actions entre les pôles de la prévision, de la prévention et de la protection. La Directive européenne est entrée en vigueur en novembre 2007.
Ce que la Directive impose aux Etats membres
L’échelle de gestion des risques d’inondation : les bassins hydrographiques (ou portions de bassin hydrographique). Cette échelle implique une coordination internationale sur les bassins transfrontaliers.
La transposition de la Directive dans le droit français
La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, ou « Grenelle 2 », concrétise les objectifs fixés par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (dite Grenelle 1) par la mise en œuvre de six chantiers dont un sur la prévention des risques (Titre V).
Le Décret n° 2011-227 du 2 mars 2011 relatif à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation complète les dispositions législatives, insérées dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II).
La circulaire du 16 juillet 2012 relative à la mise en oeuvre de la phase « cartographie » de la directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation vient définir les modalités de mise en oeuvre de l’étape d’élaboration des cartes prévues à l’article L. 566-6 du code de l’environnement. Elle complète la circulaire du 5 juillet 2011 relative à la mise en œuvre de la politique de gestion des risques d’inondation, sur l’association des parties prenantes.
Une méthodologie de gestion des risques en 5 étapes :
- Etape 1 : L’évaluation préliminaire des risques d’inondation, échéance le 22 décembre 2011. Elle comprend en particulier une description des aléas et des enjeux pour la santé humaine, l’environnement et l’activité économique sur le bassin concerné.
Une EPRI à l’échelle nationale a également été réalisée
- Etape 2 : l’identification de territoires à risques important d’inondation, échéance le 22 juin 2012. La loi Grenelle II prévoit l’identification de territoires à risques important d’inondation (TRI) sur la base d’un diagnostic réalisé au niveau national et local et sur des critères d’identification, définis au niveau national puis déclinés au niveau de chaque bassin.
Un TRI est une zone où les enjeux potentiellement exposés aux inondations sont les plus importants. , ce qui justifie une action volontariste et à court terme de la part de l’Etat et des parties prenantes concernées via la mise en place de stratégies locales de gestion des risques d’inondation.
L’arrêté du 27 avril 2012 a fixé les critères nationaux fondant l’identification des TRI : les impacts potentiels sur la santé humaine (population permanente résidant), et ceux sur l‘activité économique (nombre d’emplois situés en zone potentiellement inondable). Ces impacts sont évalués par les préfets coordonnateurs de bassin, conformément au principe de subsidiarité.
Les TRI ont été arrêtés à l’échelle de chaque bassin hydrographique de septembre à décembre 2012.
L’arrêté du 6 novembre 2012établissant la liste des territoires dans lesquels il existe un risque d’inondation important ayant des conséquences de portée nationale a identifié les TRI nationaux, conformément à l’article L.566-5 du Code de l’environnement.
Pour aller plus loin :
Foire aux questions sur les TRI
Consulter le site de chaque DREAL de bassin
- Etape 3 : La cartographie des zones inondables et des dommages susceptibles d’être causés par les inondations, échéance le22 décembre 2013.
Ces cartes sont élaborées par l’Etat et s’adressent à la fois aux acteurs de l’aménagement du territoire (collectivités et leurs groupements) et à la population puisqu’elles sont publiques, notamment sur les sites internet des services déconcentrés de l’Etat.
Ces cartes ont pour objectif de guider les choix d’aménagement du territoire dans le but d’assurer la sécurité publique, limiter le montant des dommages en cas d’inondation, réduire la vulnérabilité du territoire, et ne pas aggraver la gestion de crise. Parallèlement, elles ont également vocation à informer la population sur les zones exposées aux risques d’inondation, et le niveau d’aléa de ces zones.
Elles constituent un nouvel outil de la connaissance sur les risques d’inondation propres à un territoire (TRI). Ces dernières comprendront :
– l’évènement fréquent : l’inondation la plus coûteuse pour le territoire. La circulaire du 14 août 2013 (annexe 4) propose un certain nombre d’actions à mettre en œuvre sur la base de cette carte. Par exemple, la mise en place de plans de réduction de la vulnérabilité.
– l’évènement moyen : c’est l’inondation de référence figurant dans le PPR existant sur le territoire. En l’absence de PPR sur le territoire concerné, les données issues des cartes seront mises en œuvre via le recours à l’article R111-2 du Code de l’urbanisme. Pour en savoir plus : http://www.cepri.net/maitrise-de-lurbanisation.html
– l’évènement extrême : c’est l’inondation la plus rare, mais qui causerait des dommages irréversibles. La circulaire du 14 août 2013 (annexe 4) cite également des exemples d’actions à mettre en œuvre, comme l’implantation en dehors des zones soumises à cet aléa des bâtiments publics nécessaires à la gestion de crise, des infrastructures structurantes (transports), et l’adaptation à l’aléa des nouvelles ICPE installées dans la zone.
Nos pratiques de cartographie actuelles ne prennent pas en compte ces paramètres.
- Etape 4 : La réalisation de plans de gestion des risques d’inondation, à l’échelon du district hydrographique, échéance le 22 décembre 2015.
Ces plans doivent faire intervenir une stratégie globale de réduction du risque, basée sur la prévention, la protection et la préparation aux situations de crise.
La circulaire du 14 août 2013 rendue publique par le ministère de l’Ecologie vise à faciliter l’élaboration des plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) sur chaque grand bassin hydrographique.
Ils tiennent compte d’aspects pertinents tels que les coûts et avantages, l’étendue des inondations, les axes d’évacuation des eaux, les zones ayant la capacité de retenir les crues, comme les plaines d’inondation naturelles, les objectifs environnementaux (Natura 2000), la gestion des sols et des eaux, l’aménagement du territoire, l’occupation des sols, la conservation de la nature, la navigation et les infrastructures portuaires.
Ils englobent tous les aspects de la gestion des risques d’inondation, en mettant l’accent sur la prévention, la protection et la préparation, y compris la prévision des inondations et les systèmes d’alerte précoce, et en tenant compte des caractéristiques du bassin hydrographique ou du sous-bassin considéré. Ils peuvent également comprendre l’encouragement à des modes durables d’occupation des sols, l’amélioration de la rétention de l’eau, ainsi que l’inondation contrôlée de certaines zones en cas d’épisode de crue.
Etape 5 : La réalisation de stratégies locales de gestion des risques d’inondation en lien avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation. Les articles L 566-7 et L 566-8 du code de l’environnement mentionnent les modalités d’élaboration des stratégies locales de gestion des risques d’inondation.
Celles-ci sont élaborées en lien avec la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation présentée officiellement le 10 juillet 2014 par la Ministre de l’Ecologie.
La stratégie nationale est construite autour de 3 objectifs : augmenter la sécurité des populations exposées, stabiliser sur le court terme et réduire à moyen terme le coût des dommages liés aux inondations, et raccourcir fortement le délai de retour à la normale des territoires sinistrés.
Elle constitue une étape indiscutablement nouvelle et importante pour l’évolution de la politique de gestion des risques d’inondation en France. Pour la première fois, l’Etat, ses partenaires et l’ensemble des parties prenantes ont réfléchi, discuté, explicité leur vision, débattu des besoins et des intérêts à agir en faveur de la prévention des inondations et en ont fait la synthèse au sein d’un document unique et stratégique.
Cette stratégie nationale marque par ailleurs une transition claire de la politique de gestion du risque d’inondation en France. D’une logique d’engagement de moyens, de mobilisation de dispositifs issue d’une « boîte à outils », la politique nationale cherche à prendre le virage d’une logique d’objectifs à atteindre. Au-delà de la traditionnelle « amélioration de la sécurité des personnes », l’émergence des objectifs de stabilisation/réduction des dommages et de réduction des délais de retour à la normale semble marquer l’ambition de l’Etat pour les années à venir. Le risque inondation est ainsi envisagé comme une menace pesant sur l’intégrité, l’attractivité et la compétitivité des territoires, à l’origine de laquelle figure une grande diversité d’aléas potentiels.
Les stratégies locales de gestion des risques d’inondation constituent la déclinaison des objectifs du plan de gestion des risques d’inondation (PGRI) pour les territoires à risque d’inondation important (TRI). Les stratégies locales sont élaborées conjointement par les parties intéressées sur les TRI, en conformité avec la stratégie nationale et en vue de concourir à sa réalisation.
Dans le cadre de la procédure d’élaboration du PGRI, le préfet coordonnateur de bassin arrête, au plus tard deux ans après avoir arrêté la liste des TRI et après avis des préfets concernés et de la commission administrative du bassin, la liste des stratégies locales à élaborer pour les TRI, leurs périmètres, les délais dans lesquels elles sont arrêtées et leurs objectifs [Article R566-14 du Code de l’environnement].
Les stratégies locales doivent comporter :
1° La synthèse de l’évaluation préliminaire des risques d’inondation (EPRI) dans son périmètre ;
2° Les cartes des surfaces inondables et les cartes des risques d’inondation pour le TRI inclus dans son périmètre ;
3° Les objectifs fixés par le PGRI pour les TRI inclus dans son périmètre.
La stratégie locale a vocation à être déclinée de façon opérationnelle, via un ou des programmes d’actions. Ces programmes d’actions définissent une liste d’actions précises à mener, leur maître d’ouvrage ainsi que leur calendrier et leur plan de financement. Elles concernent plusieurs champs de la politique de prévention des risques d’inondation :
– la prévention des inondations au regard de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau (via les orientations fondamentales et dispositions présentées dans les SDAGE) ;
– la surveillance, la prévision et l’information sur les phénomènes d’inondation, qui comprennent notamment le schéma directeur de prévision des crues ;
– la réduction de la vulnérabilité des territoires face aux risques d’inondation, comprenant des mesures pour le développement d’un mode durable d’occupation et d’exploitation des sols, notamment des mesures pour la maîtrise de l’urbanisation et la cohérence du territoire au regard du risque d’inondation, des mesures pour la réduction de la vulnérabilité des activités économiques et du bâti et, le cas échéant, des mesures pour l’amélioration de la rétention de l’eau et l’inondation contrôlée ;
– l’information préventive de la population, l’éducation, et la conscience du risque.
Les stratégies locales ne doivent pas augmenter les risques d’inondation pour les territoires situés en amont ou en aval, sauf si ces mesures ont été coordonnées et qu’une solution a été dégagée d’un commun accord au moment de l’élaboration des stratégies locales.
L’ensemble des actions est coordonné par le porteur de la stratégie locale qui veille à la cohérence des actions menées par rapport au cadre de la stratégie locale.
Ce processus présente certaines similitudes avec le dispositif des PAPI. La stratégie locale peut d’ailleurs être alimentée par les éléments stratégiques du ou des PAPI labellisés sur le territoire concerné, définis par le porteur de la stratégie locale.
Sur un nombre important de ces points, nous avons à faire progresser nos approches : les plans de gestion sont plus ambitieux que nos PPR actuels ; ils se rapprochent d’une démarche de SAGE, qui sont peu nombreux à prendre en compte l’inondation. L’élargissement du périmètre de la politique de gestion des risques et de ses objectifs à travers la stratégie nationale, semble porter le vent d’un nouvel élan.
Pour aller plus loin
Plans de Gestion des Risques d’Inondation à l’échelle du district : des TRI aux stratégies locales : Premiers éléments de cadrage lien Cadrage_PGRI_SLGRI.pdf
La directive inondation, Stratégies locales de gestion des risques d’inondation, Bassin Seine-Normandie (2013) stratégies_locales_DRIEE.pdf
Les productions CEPRI
- Position commune des associations nationales de collectivités territoriales pour une stratégie nationale de prévention des inondations à l’occasion de la transposition de la directive européenne 2007/60/CE relative à l’évaluation et la gestion des risques d’inondation en 2009
- Discours partagé par les associations nationales de collectivités territoriales pour une mobilisation dans le cadre de la transposition de la Directive dans le droit français en 2011